Avec le dérèglement climatique, Bordeaux sera-t-il toujours Bordeaux ?

Changement de cépages ? Évolution des pratiques ? Redistribution des cartes des grands terroirs ? Quelles seront les conséquences du réchauffement climatique sur le vignoble de Bordeaux ? Pour répondre à ces questions, Camille Galan, commerciale USA chez Twins, échange avec Axel Marchal, professeur en œnologie à l’université de Bordeaux et consultant.

Dérèglement climatique et vignoble de Bordeaux

Aujourd’hui, le dérèglement climatique est une réalité qui touche les vignobles du monde entier. Irrégularités des précipitations, événements climatiques extrêmes, les défis posés à la viticulture sont d’ampleur. Alors comment y faire face ? Dans le Bordelais, Axel Marchal observe qu’il y a « une succession de millésimes qui ne ressemblent pas à la climatologie classique de Bordeaux ». D’une manière générale, le cycle de la vigne a tendance à se raccourcir. Lors de l’année 2022, particulièrement chaude et sèche, la date de floraison de la vigne a été précoce, tout comme la date des vendanges. Une modification du cycle qui peut avoir des conséquences dramatiques sur les rendements, notamment en cas de gel printanier. L’autre effet du dérèglement climatique est la modification de la composition des raisins, comme le détaille Axel Marchal.

« On observe une augmentation assez importante et assez continue de la richesse en sucre des raisins et une diminution de l’acidité. Cette dernière tendance est moins flagrante et en tout cas très modulée par les terroirs ».

Axel Marchal, consultant en œnologie

Si le réchauffement climatique joue un rôle dans ces évolutions, ce n’est pas le seul facteur. Les causes sont aussi à chercher du côté de l’évolution des pratiques culturales depuis une quarantaine d’années, la diminution des rendements favorisant des niveaux de concentration plus importants.

Le Merlot, un cépage en danger ?

Dans ce contexte climatique de plus en plus instable, comment s’adapter ? Pour Axel Marchal, il ne faut d’abord pas refuser l’obstacle : « Pour moi, le vin est une œuvre sensible, qui doit être contemporaine. On dit faire le vin avec le goût de son époque et on doit adapter ses techniques à ses contraintes ». Cela passe par toute une série de changements dans la conduite du vignoble, comme la réduction de la densité de plantation ou de la surface foliaire.

Pour autant, il ne faut pas sous-estimer la capacité de résilience de la vigne. Camille Galan se souvient de la surprise générale devant la qualité des Merlot du millésime 2022. La jeune femme se rappelle que ces dernières années, « nous avons plutôt assisté à un certain désamour pour le Merlot et même à la volonté de le remplacer ». Axel Marchal estime que si les craintes vis-à-vis du Merlot sont légitimes, ce cépage a encore un bel avenir devant lui.

« Le Merlot est la variété de raisin rouge la plus précoce à Bordeaux. C’est celle qui a tendance à faire les vins avec le plus d’alcool et le moins d’acidité. Or, en 2022 on a eu des merlot remarquables. Je pense que le Merlot n’est pas mort. Ce cépage est plus sensible à la contrainte hydrique que le cabernet, alors il vaut mieux le planter sur des sols où cette contrainte est moins forte ».

Axel Marchal, consultant en œnologie

L’avenir du Merlot passe donc par des sols argileux ou calcaires, nombreux dans le Bordelais. D’une manière générale, Axel Marchal dit peu croire aux changements variétaux : « Ma crainte est qu’en changeant des variétés, on change finalement l’identité de Bordeaux ». Le consultant en œnologie dit miser davantage sur la diversité intravariétale.

« Pendant longtemps, on a sélectionné les individus de merlot qui étaient les plus précoces, parce qu’il fallait arriver à les faire mûrir. Aujourd’hui, il y a un vrai travail à faire au niveau de la sélection, pour aller vers des Merlot ou des Cabernet Sauvignon qui seront plus tardifs et plus adaptés au changement des conditions climatiques ».

Axel Marchal, consultant en œnologie

Quel avenir pour les grands terroirs ?

Dans ce nouveau contexte, certains terroirs du Bordelais vont-ils gagner en intérêt ? Camille Galan rappelle que par le passé, « certains terroirs du vignoble étaient moins favorables du fait de leur humidité et leur sensibilité aux maladies de la vigne ». Axel Marchal pose la question différemment : « Est-ce que la hiérarchie des terroirs va être bouleversée avec le changement climatique ? » La réponse est non.

« Les grands sols viticoles sont des sols qui sont plus résistants à la sécheresse mais qui dans le même temps sont aussi adaptés quand il pleut. Le calcaire fonctionne un peu comme une éponge. Donc je ne pense pas que les cartes vont être lourdement rebattues en ce qui concerne la hiérarchie des terroirs.»

Axel Marchal, consultant en œnologie

Par ailleurs, Axel Marchal ne croit pas que l’avenir du vignoble de Bordeaux passe par l’irrigation (« Est-ce qu’un terroir est un grand terroir si on a besoin de l’irriguer ? »). Du côté de Twins, Camille Galan se dit « confiante dans les nombreux secrets que la vigne a encore à révéler, notamment sur sa résilience ». Axel Marchal souligne que « face au changement climatique, Bordeaux évolue à une vitesse incroyable. À tous les niveaux, les équipes mettent en place des pratiques de plus en plus vertueuses ». De quoi leur donner à tous les deux confiance dans la capacité de Bordeaux à produire de grands vins, pendant encore longtemps.

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